Blanche-Neige

Il y a longtemps que je ne me suis plus lancée dans une analyse, et j’avoue que l’exercice me manquait. Aujourd’hui, je vous propose de nous pencher sur le conte de Blanche-Neige, ses thèmes et ses symboles.

« Miroir, miroir joli, qui est la plus belle dans tout le pays ? Ô ma reine, vous êtes très belle mais Blanche Neige est mille fois plus belle que vous.» À ces mots, la reine devint verte de jalousie. Désormais elle avait des haut-le-cœur dès qu’elle apercevait Blanche-Neige, tant elle la haïssait. Et l’envie et l’orgueil se développaient si fort dans son cœur qu’elle ne trouvait plus le repos, ni le jour ni la nuit. Elle devait trouver un moyen de la faire disparaître…

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Thèmes et symboles

Blanche-Neige est ce que l’on appelle un conte moral, autrement dit une histoire visant à enseigner des préceptes aux enfants. Cette morale est communiquée à travers de nombreux thèmes et symboles.

Le péché d’orgueil

C’est l’orgueil de la méchante reine qui est le point de départ de l’histoire. Ne supportant pas de savoir que sa belle-fille de sept ans est plus belle qu’elle, la souveraine se lance dans une campagne meurtrière pour demeurer la plus belle du royaume.

Une campagne qui la pousse à toutes les extrémités. Elle commence par charger un chasseur de la tuer et de lui ramener ses organes. Quand celui-ci laisse s’enfuir Blanche-Neige et revient avec les organes d’un marcassin, la reine les fait cuisiner et les dévore, pensant se repaître de sa belle-fille. Le cannibalisme, selon certaines croyances, serait une façon de s’approprier les vertus d’une personne défunte. Non seulement la reine était prête à éliminer Blanche-Neige, mais elle voulait aussi absorber sa jeunesse et sa beauté.

Miroir, gentil miroir, dis-moi qui est la plus belle femme du royaume.

Quand elle comprend que Blanche-Neige est toujours vivante et cachée chez les sept nains, elle redouble de colère et réalise trois autres tentatives de meurtre. Elle commence par resserrer le corset de la fillette jusqu’à l’étouffer, mais les nains retrouvent Blanche-Neige à temps pour la ranimer. Ensuite, la reine lui offre un peigne trempé dans du poison, mais une fois encore Blanche-Neige est sauvée par ses amis. C’est la célèbre pomme empoisonnée qui finira par obtenir le résultat désiré par la reine. Du moins pour un temps.

Quand Blanche-Neige est sauvée par le prince et sa suite, la reine est conviée au mariage. Le piège est évident, mais une fois encore elle ne peut résister aux impulsions de son ego. Elle finit par être punie pour ses actes, d’une manière particulièrement brutale : elle est affublée de souliers de fer chauffés au rouge et condamnée à danser jusqu’à la mort. On dira ce qu’on voudra, c’est une exécution créative.

Blanche-Neige elle-même n’est pas tout à fait exempte d’une certaine vanité : c’est bien pour se faire jolie qu’elle avait accepté le peigne et le lacet pour son corset. Mais contrairement à sa belle-mère, elle n’a aucune mauvaise intention et son innocence est bien de son âge.

Se méfier des inconnus

Blanche-Neige se confronte plusieurs fois à des inconnus, avec des résultats mitigés. D’abord avec le chasseur, chargé de la tuer mais qui la prend en pitié. Du reste, il est persuadé qu’elle sera dévorée par les animaux de la forêt et se contente de laver sa conscience en l’abandonnant à son sort.

Sa rencontre avec les nains est plus heureuse. Ils l’hébergent à la seule condition qu’elle tienne la maison pendant qu’ils travaillent à la mine. Ils sont protecteurs envers elle et n’ont de cesse de lui rappeler de ne pas ouvrir aux inconnus.

« Tiens-toi bien sur tes gardes. Ta belle-mère ne tardera pas à savoir que tu es ici. Ne laisse donc entrer personne! »

Avertissements qui restent vains. Quand la reine, déguisée, se présente par trois fois dans la petite maison, Blanche-Neige se laisse convaincre de la laisser entrer. Dans son processus de croissance, elle reste trop naïve pour apprendre de ses erreurs. Un trait qui dénote chez elle une certaine pureté, vertu particulièrement prisée à l’époque où l’histoire fut écrite.

L’effet miroir

De nombreuses histoires, qu’il s’agisse de contes de fées ou non, mettent en scène un miroir magique. C’est parce que le miroir a, de tous temps, revêtu plusieurs aspects symboliques importants.

Dans Blanche-Neige, il représente d’abord la vérité révélée, la sagesse et la connaissance. La reine interroge son miroir pour connaître une vérité. Quand bien même celle-ci l’offense, elle ne remet jamais en cause sa véracité. Au contraire, elle tient chaque parole du miroir pour vérité absolue.

La reine frémit : elle savait que le miroir ne pouvait mentir. Elle comprit que le chasseur l’avait trompée et que Blanche-Neige était toujours en vie.

Le miroir est aussi une réflexion de l’âme de celui ou celle qui s’y mire. Ici, la jalousie de la reine lui est renvoyée au visage. À chaque fois qu’elle pose sa sempiternelle question, le miroir lui répond que Blanche-Neige est « mille fois plus belle, au moins! ». Le miroir n’est pas un serviteur fantastique de la reine, ou un simple objet à son service. Il la confronte à sa propre noirceur et la précipite un peu plus dans sa folie meurtrière.

La pomme de la discorde

La pomme représente deux concepts aussi contradictoires que complémentaires : la connaissance et le fruit défendu. Difficile de ne pas penser à Adam et Ève en lisant cela. C’est parce qu’ils ont goûté de ce fruit qu’ils se sont éveillés au concept du Bien et du Mal et qu’ils ont été chassés du jardin d’Eden.

Dans le conte des frères Grimm, la pomme est bicolore : une moitié est blanche et sans danger, l’autre est rouge et empoisonnée. Un choix de couleur qui n’est pas anodin et rappelle la dualité entre pureté et luxure. La marâtre, échos du Serpent de la Bible, croque un morceau de la partie blanche pour duper Blanche-Neige et lui faire croire que tout est sans danger. Quand la jeune fille mord dans la moitié rouge elle tombe aussitôt comme morte, punie, comme Ève avant elle, pour avoir goûté à l’interdit.

Blanche-Neige avait très envie de cette belle pomme, et, quand elle vit la paysanne la croquer à belles dents, elle ne put résister et tendit le bras pour prendre l’autre moitié. Mais, à la première bouchée, elle tomba morte sur le plancher.

Cette fois, les nains ne peuvent rien pour la sauver. Ils se refusent à l’enterrer et l’installent dans un cercueil de verre afin que tous puissent l’admirer et lui rendre hommage. Le temps passe, puis arrive un prince qui, ému par la beauté de Blanche-Neige, persuade les nains de le laisser l’emporter dans son château. Quand les serviteurs transportent le cercueil, ils trébuchent et le choc déloge le morceau de pomme qui était resté coincé dans la gorge de la jeune fille. Elle revient aussitôt à elle, et le prince la demande en mariage.

On pourrait y voir une métaphore de la croissance de Blanche-Neige. Elle a goûté au fruit défendu (les désirs terrestres), et cette nouvelle vision de la vie lui est littéralement resté en travers de la gorge jusqu’à ce qu’elle rencontre celui qui lui permette de s’éveiller au monde. Après tout, la pomme est aussi un symbole de la jeunesse, de la fraîcheur et du renouveau.

4 livres qui revisitent le conte


Sources

Livres

GRIMM, Jacob & Wilhelm. Blanche-Neige. France : Éditions Milan, 2021, 59p.

CHEVALIER, Jean et GHEERBRANT, Alain. Dictionnaire des symboles : Mythes, rêves, coutumes, gestes, formes, figures, couleurs, nombres. Paris : Bouquin Éditions et Éditions Montchrestien, 2021, 1230 p.

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